1/ Atypique par la pollution de son air
Annecy est la ville la plus polluée en Auvergne-Rhône-Alpes aux particules fines PM2,5 (les plus dangereuses car elles pénètrent les alvéoles pulmonaires) sur la moyenne 2009-2017. Elle l’a été en 2011, 2013, 2014, 2015, 2016. On peut saluer une amélioration en 2017, mais avec circonspection car "les conditions météorologiques ont été particulièrement clémentes vis-à-vis des épisodes de pollution l’année dernière [en 2017]" (Atmo Auvergne-Rhône-Alpes).
Pour rappel Annecy a été classée 2e ville la plus polluée de France aux PM2,5 par l’OMS (classement publié en 2014 sur des données de 2011). Sur un autre critère, celui de l’indice ATMO (prenant en compte les polluants PM10, NO2, SO2 et O3), une étude publiée sur le site du Ministère de l’écologie place Annecy à la 8ème place sur les 60 agglomérations françaises de plus de 100.000 habitants (période 2009-2011).
Santé Publique France (ex-InVS) nous informe sur le fait que dans l’agglomération annécienne, les habitants perdent 11 mois d’espérance de vie par rapport à une ville qui respecterait la valeur-guide de l’OMS pour les particules fines cancérigènes PM2,5 ; soixante-dix décès par an y sont attribués à cette pollution de fond.
2/ Atypique par sa dépendance à la voiture
En 2014, une étude publiée sur le site du Ministère de l’écologie(1) constate : "Pour se déplacer, les habitants du bassin annécien utilisent presque exclusivement la voiture. Cette forte dépendance à l’automobile s’explique à la fois par la qualité de l’offre routière et par la faiblesse de l’offre en transports alternatifs au sein du bassin annécien."
La Haute-Savoie en général est un département atypique par son taux de motorisation : il a été classé 4ème département français sur le critère du nombre de voitures par habitant, après l’Oise (base des locations de voitures) et les deux départements de Corse(2). Ce classement se base sur des données certes un peu datées (2002-2006), mais il serait surprenant qu’il se soit amélioré depuis au vu des politiques menées par les décideurs.
3/ Atypique par les politiques menées pour réduire la pollution de l’air et la dépendance à la voiture
a/ Sur la pollution de l’air :
Alors que la moitié de la population française est couverte par des Plans de Protection de l’Atmosphère (PPA), Annecy se prépare seulement à mettre en place un Plan Local pour la Qualité de l’Air (PLQA), dispositif uniquement mis en œuvre en Pays de Savoie et nulle part ailleurs en France, et qui est un outil purement incitatif, contrairement au PPA qui permet de déboucher sur des mesures contraignantes. On peut d’ailleurs lire dans le rapport de la Cour des comptes de décembre 2015 "Les politiques publiques de lutte contre la pollution de l’air" :
"Des agglomérations comme Annecy, Annemasse et Chambéry, situées dans la zone urbaine Rhône-Alpes faisant actuellement l’objet du contentieux européen, ne sont pas non plus couvertes [par un PPA]. Air Rhône-Alpes a réalisé les diagnostics relatifs à la qualité de l’air dans ces trois zones et un travail d’élaboration de mesures à mettre en œuvre y a été initié courant 2011. Chambéry et Annecy pourraient disposer d’ici fin 2015 d’un plan local pour la qualité de l’air, outil ne contenant aucune mesure réglementaire contraignante. La réticence de certains responsables à s’engager sur des mesures de lutte contre la pollution de l’air est réelle : l’absence de plan dans de nombreuses agglomérations en est un indicateur."
b/ Sur la dépendance à la voiture :
Le 27 juin 2016, le Président du Conseil départemental de la Haute-Savoie (CD74) et le Président de la Communauté de l’agglomération d’Annecy (C2A), ont signé une convention de financement global à hauteur de 432 millions d’euros pour neuf projets routiers programmés dans l’agglomération. Ces projets ont pour objectif, selon le CD74 et la C2A (aujourd’hui "Grand Annecy"), de "réduire la pollution et préserver l’environnement" (sic), ainsi que de "développer les transports collectifs", alors que plus de 80% de ce budget est dédié au développement des routes (dont le tunnel sous le Semnoz et le doublement du contournement d’Annecy – RD3508), favorisant ainsi l’usage de l’automobile. Cependant, il semble que ces projets en faveur du (quasi) tout routier dans le bassin annécien ne suffisent pas puisque le préfet vient de déclarer d’utilité publique un autre projet : l’élargissement à 2X3 voies de l’autoroute A41 entre Annecy Nord et Saint-Martin-Bellevue (malgré le fait qu’il y ait eu 11 fois plus d’avis défavorables que favorables sur le registre dématérialisé).
Or, on sait qu’élargir une route ou en faire une nouvelle provoque une augmentation du trafic routier et donc de la pollution et des gaz à effet de serre. Pour ne citer que cet exemple, le tunnel sous le Semnoz génèrerait 48% de trafic supplémentaire entre Duingt et Sevrier en heure de pointe du matin (en moyenne des hypothèses et des tronçons)(3).
Ce qui se passe ici dans le bassin annécien est en contradiction totale avec les objectifs du "Schéma de cohérence territoriale" ou SCoT ("réduction de l’usage de la voiture par report sur des transports en commun attractifs"), ceux du Plan Climat Energie Territorial ("réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES)"), de l’engagement "Territoire à énergie positive" ou TEPOS ("réduction des GES et diminution des transports individuels, notamment en zone péri-urbaine"), des engagements internationaux de la COP 21 et de l’Europe.
C’est également en contradiction avec la Convention Alpine, traité signé par la France, où l’on peut lire : "Des projets routiers à grand débit pour le trafic intra-alpin peuvent être réalisés, si [...] les besoins en matière de transports ne peuvent être satisfaits [...] par l’extension ou la construction d’infrastructures ferroviaires [...] et si les résultats apportés par l’étude d’opportunité ont montré [...] que le résultat de l’étude d’impact sur l’environnement est positif." Or, en ce qui concerne le projet de tunnel sous le Semnoz, les besoins en matière de transport sur la rive gauche du lac d’Annecy peuvent être satisfaits par la construction d’infrastructures ferroviaires(4).
Enfin, les élus de l’agglomération annécienne ont décidé d’un niveau de Versement Transport (contribution due par les employeurs et consacrée au financement des transports publics) le plus faible de toutes les grandes agglomérations françaises de plus de 150.000 habitants (hors Ile-de-France), et de loin.
Décidément, notre territoire est bien atypique.
En octobre 2015, près de 40 associations du département, dont les Amis de la Terre, ont demandé aux conseillers départementaux, députés et sénateurs de Haute-Savoie de faire une pause sur les projets d’extension des capacités routières de notre département afin de prendre le temps de mieux évaluer leurs conséquences environnementales au regard des études. Cette demande est restée sans réponse à ce jour.
En avril 2016, la quinzaine d’associations du collectif pour un Grenelle des transports et de la qualité de l’air du bassin annécien (dont font partie les Amis de la Terre) a demandé au Préfet de la Haute-Savoie la mise en place d’un Plan de Protection de l’Atmosphère pour l’ensemble du bassin annécien. Cette demande est restée sans réponse à ce jour.
Notre territoire serait-il atypique aussi par l’indifférence de nos décideurs envers les demandes du monde associatif ?
(1) "Entreprises et mobilité durable en territoires périurbains. Le cas du bassin annécien." (Cerema et LET, 2014).
(2) Sources : site www.statistiques-mondiales.com/france_voitures.htm (données du Ministère de l’Intérieur, reprises par exemple par le Conseil Général des Landes : « Schéma d’Aménagement et de Développement Durable, Landes 2040 »).
(3) Chiffre déduit de l’étude Groupement BG Ingénieurs (2015).
(4) Par exemple le « TCSP guidé » (tramway) conseillé par l’étude TTK (2012), qui prendrait place à côté de la piste cyclable et qui permettrait un report modal très significatif (25% des déplacements se reporteraient de la route vers le tram).