Le Syndicat intercommunal d’étude pour la protection et l’aménagement du Semnoz (Sipas) a voté ce 14 mars 2018 un budget pour équiper la station de ski de canons à neige. Or, les mêmes élus ont voté en 2016 une convention de financement pour des projets routiers dans le bassin annécien, dont le principal est le percement d’un tunnel sous le Semnoz.
N’est-on pas là devant une nouvelle variante du pompier pyromane ?
Selon la dernière étude commandée par le département et l’agglomération, à savoir l’étude BG (1), le tunnel sous le Semnoz génèrerait à l’horizon 2030 sur la rive ouest du lac d’Annecy 48% de trafic supplémentaire par rapport à une situation sans tunnel (en heure de pointe du matin et en prenant la moyenne des hypothèses et des tronçons entre Duingt et Sevrier (2)). Ce trafic induit amènerait donc une forte augmentation des émissions de gaz à effet de serre (GES), en totale contradiction avec les objectifs français et européens sur le climat.
Selon le projet SCAMPEI (2011) coordonné par Météo-France : "Le principal résultat [du projet] est la diminution forte dès le milieu du 21ème siècle de la durée d’enneigement de tous les massifs […] jusqu’à une altitude de 2500 m. A la fin du siècle la durée annuelle d’enneigement est réduite de 80% dans les scénarios les plus pessimistes, 50% dans les scénarios optimistes. Ce résultat est robuste […]"
Selon le rapport de la Cour des comptes de février 2018 (3) : "Entre 1880 et 2012, les températures moyennes dans les Alpes ont augmenté de plus de 2°C. Cette tendance s’accélère et se renforce. Elle annonce, d’ici la seconde moitié du siècle, une modification sensible des conditions d’enneigement et l’élévation concomitante de l’altitude permettant la viabilité de l’exploitation des domaines skiables."
Plus loin : "L’objectif de préservation d’un enneigement suffisant conduit à recourir à des expédients coûteux qui seront difficilement soutenables : aménagement de nouveaux espaces skiables, déplacement en altitude, remodelage des pistes, apports de neige artificielle. […] La production de neige nécessite cependant des températures suffisamment basses, désormais moins fréquentes en début et en fin de saison, mais aussi une ressource en eau dont la production, le stockage et le transport incombent souvent aux collectivités publiques. […] Qu’il s’agisse de dispositifs d’enneigement ou de retenues collinaires nécessaires à leur fonctionnement, ces investissements impliquent des financements importants engageant les collectivités sur le long terme alors que l’aléa climatique s’accroît."
Enfin : "Outre une contribution nécessaire aux préoccupations environnementales, le tourisme en montagne doit rechercher une diversification prudente de l’offre d’activité et préparer la reconversion des sites les plus menacés."
Pour faire face à la menace du réchauffement climatique, et plutôt que de remettre en cause les projets qui l’aggraveraient, des élus ont donc décidé d’équiper la station du Semnoz de canons à neige. Mais on sait que rapidement, ces premiers "enneigeurs" ne suffiront pas, puisque le climat continue de se réchauffer : les trois dernières années 2015-2016-2017 sont les trois plus chaudes jamais observées. On peut penser que la tendance n’est pas prête de s’inverser puisque l’on continue à lancer des projets du type tunnel sous le Semnoz, qui participent à réchauffer notre planète en général et notre Semnoz en particulier.
Alors si l’on veut à tout prix à la fois avoir une station du Semnoz enneigée et émettre toujours plus de GES, il va probablement falloir équiper peu à peu tout le domaine skiable, puis finalement abandonner la partie et laisser rouiller les canons par manque de froid pour les faire fonctionner.
(1) Etude BG (2015) : étude « Projet de mobilité ouest : tunnel sous le Semnoz / BHNS 1508 / NVU » réalisée par le Groupement BG Ingénieurs Conseils et commandée par le CD74 et la C2A.
(2) Vous pouvez trouver le détail de ce calcul en annexe de l’article http://amisdelaterre74.org/tunnel-sous-le-semnoz-un-projet-climaticide-841.html.
(3) Référence : https://www.ccomptes.fr/sites/default/files/2018-01/14-stations-ski-Alpes-nord-face-rechauffement-climatique-Tome-2.pdf