Le réchauffement climatique est selon nous une affaire suffisamment sérieuse pour ne pas avancer de chiffres infondés.
Le Plan Climat Air Energie Territorial (PCAET) du Grand Annecy vient d’être voté à la très grande majorité des élus lors du conseil communautaire du 20 février 2020. Il contient certes de nombreuses actions qui vont dans le bon sens, mais comment peut-on essayer de nous faire croire qu’on va faire baisser les émissions de gaz à effet de serre (GES) des transports de 45% en 10 ans, alors qu’au niveau national on n’a pas réussi à les diminuer du tout depuis 10 ans (selon le Haut Conseil pour le Climat), et surtout alors que dans le périmètre de l’agglomération, on investit quatre fois plus d’argent pour des projets routiers favorisant l’usage de la voiture que pour les modes de transports décarbonés (transports en commun, vélo, etc.) ?
Rappelons d’abord le contexte. Chacune des cinq dernières années – 2015 à 2019 – fait partie des cinq années les plus chaudes jamais observées. L’année qui commence s’annonce comme s’inscrivant dans la même trajectoire mortifère puisque le mois de janvier 2020 est le plus chaud jamais observé (selon la NASA).
Pour limiter le réchauffement à +1,5°C, les scientifiques du GIEC préconisent de baisser de 45% nos émissions de GES d’ici 2030, et pour cela appellent à des transformations "rapides" et "sans précédent" (voir le rapport du GIEC 2018).
Le Grand Annecy s’est aligné sur cette préconisation puisque son objectif est de contenir le réchauffement à +1,5°C et de diminuer les émissions de GES de l’agglomération dans le secteur des transports de 45% d’ici 2030.
Dans l’agglomération annécienne, le secteur des transports est de loin le plus émetteur de GES avec 46% des émissions (selon ATMO). C’est donc dans ce secteur qu’il faudrait en priorité diminuer nos émissions.
Le Plan de Déplacements Urbains (PDU) du Grand Annecy a pour objectif de diminuer les émissions de CO2 des transports de 13%. Comment croire à cet objectif – pourtant fort modeste et très largement inférieur aux engagements internationaux, nationaux, régionaux et locaux –, dès lors que la politique de mobilité sur le territoire du Grand Annecy, c’est :
plus de 400 millions d’euros d’investissements publics dans des projets routiers (tunnel sous le Semnoz, élargissement de la RD1508 Nord et du contournement d’Annecy – RD3508, parking préfecture, etc.), favorisant ainsi l’usage de l’automobile.
moins de 100 millions d’euros d’investissements prévus pour les modes de transports décarbonés (dans le PDU), comme les transports en commun et le vélo.
Ce chiffre de -13% est par ailleurs largement contestable pour de multiples autres raisons, qui sont détaillées dans la contribution du collectif de 14 associations pour un « Grenelle des transports et de la qualité de l’air du bassin annécien » (voir ici : https://grenelleannecy.net/2019/11/20/un-pdu-climaticide-et-partial/).
Nous ne croyons pas que ce PDU fera baisser les émissions de CO2, alors que les quatre cinquièmes des budgets d’investissement mobilité dans l’agglomération vont aux projets routiers. Nous pensons au contraire que ce PDU s’inscrit dans le scénario pessimiste du GIEC ou "aucun effort d’atténuation supplémentaire n’est déployé" et qui nous mène à une augmentation catastrophique de la température mondiale de +4° à +5°C d’ici 2100 (voir le rapport du GIEC 2014).
Le Plan Climat Air Energie Territorial (PCAET) du Grand Annecy vient donc d’être voté. Il a été annoncé que ce plan allait permettre de résoudre l’écart abyssal entre l’objectif du PDU (-13% d’émissions de CO2 d’ici 2030) et celui du Grand Annecy (-45%).
Or, les actions proposées dans le PCAET en lien avec les transports sont pour la plupart soit identiques ou presque à celles du PDU, soit "complémentaires" ou venant "renforcer" des actions déjà existantes du PDU. Pour ne citer qu’un exemple, le développement du covoiturage et de l’autopartage fait déjà l’objet d’actions dans le PDU.
Dès lors, il apparaît abracadabrant de prétendre que les mesures du PCAET sur les transports, qui viennent en appoint de celles du PDU, vont permettre de résorber le gouffre qui sépare les -13% du PDU (chiffre déjà largement contestable) des -45% du PCAET.
Avoir des objectifs très ambitieux en terme de climat est devenu une nécessité absolue vu l’urgence climatique. Mais le plus important est de faire baisser les émissions de GES, et de le faire drastiquement dans les 10 ans qui viennent. C’est-à-dire que les politiques mises en œuvre soient en cohérence avec les objectifs.
Il y a bien sûr de bonnes choses dans le PDU et le PCAET, pour lesquels un gros travail a été fourni, et nous saluons par exemple la mise à disposition de nombreux vélos électriques pour les Annéciens à un prix raisonnable. Nous notons en outre avec intérêt la volonté de lancer une étude sur le tramway, tout en restant à la fois dubitatifs et vigilants car d’une part il s’agit d’une vieille promesse datant de 2008 et non tenue jusqu’ici, car en outre il ne s’agit que d’une étude, et enfin sur le fait que l’étude devrait aussi porter sur la rive ouest du lac comme l’a recommandé la Commission Nationale du Débat Public (CNDP).
Mais l’objectif de baisser de 45% les émissions de GES des transports d’ici 2030 apparaît donc totalement irréaliste au regard des politiques menées. Cet objectif restera largement inatteignable tant que les budgets mobilité seront siphonnés par des projets routiers climaticides au détriment des transports en commun et des modes de déplacement actifs tel le vélo.
Face à l’urgence climatique, nous demandons que les budgets d’investissement mobilité soient rapidement et massivement réaffectés aux modes de transport décarbonés.
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